Ruée des grandes entreprises vers le cash

Les levées de fonds des grandes entreprises explosent, mais toutes n’en profitent pas. Seules les plus grandes et mieux notées peuvent sauter sur l’occasion tant que les marchés ne sont pas fermés et leur réservent bon accueil.

Pour les investisseurs, c’est d’ailleurs une bonne affaire vu l’augmentation de la prime de risque, tout le monde est donc content. À chaque émission, l’offre des investisseurs est un multiple confortable de la demande, plus proche de 7 que de l’habituel facteur 3. Pour donner un ordre de grandeur, des centaines de milliards de dollars ou d’euros ont été levés durant le mois qui se termine, non seulement aux États-Unis mais également en Europe, sur les marchés ou auprès des banques.

Les grandes entreprises adoptent le même comportement que les consommateurs qui se ruent dans les supermarchés, ne sachant pas de quoi demain sera fait. Les autres n’ont que leurs yeux pour pleurer et tendent leur main en direction des gouvernements. Même dans leur monde les inégalités s’accroissent.

Magnanimes, les analystes qualifient cette ruée vers le cash d’effet de la prudence, tout en s’inquiétant du sort de celles qui n’y participent pas. Car la récession va les toucher particulièrement, démunies comme elles seront quand l’hiver viendra. Et leurs défauts affecteront le système financier à un degré impossible à prédire, comme d’ailleurs le reste de cette crise.

Dans sa sagesse, si on veut le prendre ainsi, le Comité de Bâle a décidé de retarder d’un an l’entrée déjà tardive des accords dits « Bâle III ». Prévus pour entrer progressivement en vigueur entre 2022 et 2027, leurs mesures ne devront être appliquées qu’entre 2023 et 2028, si aucun nouveau délai n’est décidé entre temps. Le Comité repousse également la révision des risques de marché, qui a suscité une levée de boucliers des banques, démontrant à quel point leur évaluation est une question sensible et confirmant qu’il y a anguille sous roche.

Comment sinon obtenir des banques qu’elles accroissent le crédit aux entreprises, se justifient les régulateurs ? Celles-ci n’y voient pas vraiment d’inconvénient, leur lobbying enfin couronné de succès ! Mais comme il est souligné de partout, les banques n’ont jamais été aussi solides…

Les investisseurs trouvent leur intérêt à satisfaire à la demande des grandes entreprises, choisissant celles qu’ils considèrent être en mesure de faire face aux effets de la dépression. Celles-ci sont parallèlement aidées par les banques centrales, Fed et BCE en tête, qui achètent aussi leurs titres sur le marché primaire, lors de leur émission. Il n’y a pas de mystère !

Dans l’un de ses éditoriaux sentencieux affectionnés par le Financial Times, les entreprises sont invitées à choisir leur camp en référence à la moralisation dont les plus éclairées – membres de la Business Roundtable – se sont réclamées. Vont-elles modifier leur comportement ou profiter de la situation ? L’éditorialiste remarque que c’est l’occasion ou jamais de devenir vertueux.

Si elles ne le décident pas par elles-mêmes, elles sont fortement incitées à refréner leur ardeur à distribuer des dividendes ou à soutenir leur cours en rachetant leurs actions afin de récompenser d’une autre manière leurs actionnaires. Le monde des affaires entend diversement ces suggestions, impressionné par la baisse qualifiée de « violente » (sic) des dividendes que rapporte la presse financière. Il n’y a pourtant pas péril en la demeure si l’on en croit une étude de Morgan Stanley qui prévoit que la baisse des dividendes n’aura qu’un effet limité. – Le pauvre homme ! comme disait Orgon.

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